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Raccourcis
Cité par...
Voir aussi
La psychiatrie de l'enfant
2009/2 (Vol. 52)
Pages : 320
DOI : 10.3917/psye.522.0535
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Introduction
La question du père : une conflictualité à maintenir ouverte ?
La question du père est un casse-tête difficile et les ingrédients de cette complexité ne se laissent pas saisir d’emblée : les efforts de clarification permis par leur compréhension progressive ne viennent pas à bout d’un flou résiduel. Il semblerait qu’il faille renoncer à plus de clarté et accepter d’écrire sur le père en tolérant ce fond de confusion (B. Golse, 2006). Freud, en son temps déjà, posait la question du père comme énigmatique parce que relative à la question du désir de la femme : <> (M. Moulay, 1990). Nous y reviendrons.
Tout d’abord, penser le père et écrire sur le père c’est faire face à une multiplicité de discours faisant référence à la multiplicité des théories qui existent sur le père selon que l’on s’adresse au père comme fonction psychique, au r?le du père dans une dimension familiale et pédagogique ou encore au père comme personne réelle (I. Krymko-Bleton, 1990). Le père est un objet psychique, un objet réel, mais aussi un concept fondamental de la psychanalyse en raison de l’usage métapsychologique qu’elle en fait (P.-L. Assoun, 1989). La confusion peut na?tre de la multiplicité de ces facettes mais elle appara?t surtout quand on parle d’un aspect du père en faisant référence à un autre aspect : <> (P.-L. Assoun, 1989).
B. Golse (2006) nous a permis de comprendre que la dimension insaisissable du père avait à voir avec la nature même de sa fonction, ce qui rend cet insaisissable irréductible et la confusion en partie légitime : <> méta <>.
Dans ces conditions, il devient alors possible d’accepter cette part de flou résiduel en renon?ant à plus de clarté, et se risquer à écrire sur le père. Nous souhaitons dans cet article rendre compte du cheminement que f?t le n?tre sur la question du père, des théories psychanalytiques aux théories de la psychologie du développement, avec comme point de départ l’illusion de pouvoir accéder à la construction d’une théorie unifiée. Ce long parcours a réservé son lot de surprises, de questions en forme de découvertes et pourrait alors se redéfinir, dans le deuil de l’illusion initiale, comme un travail d’articulation entre ces deux univers peu habitués à dialoguer ensemble, celui de la psychanalyse et celui de la psychologie du développement.
Au cours de la traversée de ces champs théoriques, nous nous sommes heurtés à plusieurs obstacles dans ce travail de liaison que nous essayons de faire. Nous avons découvert qu’une théorie – qui n’est, rappelons-le, qu’une construction de la réalité – peut être passablement chargée de la part subjective relative aux enjeux de l’auteur ou d’une époque, au point qu’elle en fa?onne profondément les fondements. Il devient important de ne pas l’oublier dans ce travail d’analyse critique.
En voici quelques exemples touchant soit la forme (le contenant), soit le fond (le contenu) de la théorie. Ainsi, dans la fa?on d’exposer un point de vue théorique, nous avons compris que des positions d’affirmation telles qu’elles excluent toute autre fa?on de penser, renvoient à des positions dogmatiques qu’il faut considérer avec un certain recul. On en retrouve dans ce que J. Le Camus (2001) nomme <> de la paternité : succession de convictions se posant comme des vérités. Il faut alors faire le tri de ce qui appartient à une certaine inflation subjective pour accéder à la contribution de telles positions théoriques.
Au plan des contenus, il y a la dimension des enjeux psychiques à l’égard de ce que représente le père individuellement mais aussi collectivement. Ainsi, tel que F. Hurstel (2001) a pu le montrer à propos de ce que J. Lacan (1938) qualifiait de <> : il y a eu, dans cette accusation généralisée de faiblesse et d’impuissance à l’égard des hommes (essentiellement durant les décennies ), une confusion entre un phénomène social (perte de l’autorité paternelle au profit d’une égalité entre père et mère) et un registre personnel renvoyant au père comme individu. On peut même se demander s’il n’y a pas eu une utilisation du phénomène social pour mettre en forme un enjeu psychique universel à l’égard du père : celui du deuil difficile du père idéal (P. Julien, 2000).
Dans le même ordre de déplacement, Jean Forest (2001) comprend les critiques et les reproches qui sont adressés aux pères comme des attaques de ce que le père représente. C’est-à-dire des attaques de la Loi, celle de l’interdit de l’inceste qui régule les rapports sociaux et familiaux, donc qui impose des limites, en particulier aux possibilités de plaisir et de jouissance. Ces limites, contraignantes comme le sont toutes les limites, sont cependant ce qui permet à l’homme de s’humaniser. <> écrit-il.
Avec ces exemples, il faut comprendre que nous avons à rester vigilants face au risque de glissement d’un registre social à un registre individuel lorsqu’il s’agit du père, afin de ne pas rendre le père comme personne responsable ni des effets d’une mutation sociale, ni des angoisses psychiques conscientes ou inconscientes relatives à ce qu’il représente.
Enfin, comme il n’y a pas de père sans mère, il arrive aussi que la fa?on de théoriser le père hérite également des enjeux liés à la mère. Ainsi, M. Schneider (1989) souligne combien, concernant les fonctions du père, l’idéalisation des théories de la coupure peut cacher des angoisses à l’égard de la mère : vouloir à tout prix théoriser sur la coupure d’avec le maternel, c’est se défendre d’un en-trop de mère renvoyant soit à une mère engloutissante, soit à une mère absente dans sa présence.
Dans le même ordre d’idée, dire que le travail de définition du père para?t beaucoup plus ardu que celui de définition de la mère, c’est aller du c?té d’une dérive classique qui consiste à croire en une maternité instinctuelle justifiant l’économie d’un travail de définition du maternel qui, par nature, irait de soi. C’est une dérive qui trahit un deuil incomplet de la toute-puissance maternelle (I. Krymko-Bleton, 1990).
Enfin, nous avons également redécouvert que le fait qu’une théorie soit basée sur des recherches empiriques ne semble pas plus prémunir de cet écueil bien humain qui est celui de l’influence du filtre perceptif de l’auteur sur l’interprétation des résultats. Et ceci, quelle que soit la rigueur de la méthodologie et du recueil des données (nous le verrons dans la partie de la psychologie du développement).
Ces obstacles maintenant révélés (au sens photographique du terme), nous voulons rappeler que le regard critique que nous allons porter sur différentes théories sur le père est au service d’un travail d’articulation dont l’objectif est une tentative de dialogue entre psychanalyse et psychologie du développement, en dépit des épistémologies différentes. C’est un point de vue que nous partageons avec J. Le Camus (2001) : il y aurait des <> possibles à établir, une fois <> tracées. Il s’agirait en somme de tenter de dépasser le clivage classique qui existe entre le champ psychanalytique et le champ de la psychologie du développement. <> (J. Le Camus, 2001).
De son c?té, B. Golse (2001) nous rappelle qu’il est possible de maintenir la tension, l’ambigu?té et le paradoxe qui existent entre différentes théories en raison de leur divergence de points de vue. Cela serait même souhaitable puisque c’est, semble-t-il, à ce prix que les théories restent ouvertes et vivantes. Autrement dit, il ne s’agirait pas de rallier les points de vue dans un désir d’intégration illusoire, mais bien de maintenir ouverte une conflictualité créatrice.
La nécessaire prise en compte du contexte social
Nous voulons rapidement aborder ici l’impact des représentations sociales du père sur la question du père et plus spécifiquement sur la fa?on dont on théorise ses fonctions. En effet, si la psychanalyse et la psychologie mettent en lumière les multiples facettes du père, il faut aussi se rappeler que le père est également une institution sociale et politique, et dans cette perspective la fa?on de concevoir le père et ses fonctions s’avère tributaire des mutations sociales.
Celles-ci sont allées bon train ces dernières décennies : les modifications du rapport homme/femme dans le sens d’une revendication d’égalité, la notion d’autorité parentale plut?t que celle de puissance paternelle, l’avènement des droits de l’enfant (A. Thévenot, 2000) sont autant d’ondes de choc qui bousculent les repères traditionnels de la famille et poussent à une redéfinition des places et des fonctions parentales. La paternité traditionnelle est remise en question (C. Castelain-Meunier, 2001) et elle n’est plus soutenue comme avant par l’institution sociale (F. Hurstel, ) : elle doit se définir autrement.
Effectivement, le père n’est plus ce pater familias solidement reconnu et défini par la société qui lui conférait d’emblée un pouvoir politique et familial : nous sommes passés à l’ère du père privatisé (Y. Knibiehler, 2001) où l’homme se définit comme père, non en référence au social, mais dans son rapport à la femme, devenant mère, et dans son lien à l’enfant. Ce sont les liens et non plus la société qui définissent le père, c’est pourquoi l’on parle de paternité relationnelle (C. Castelin-Meunier, ) et c’est alors un contrat de parole qui unit les deux parents (F. Hurstel, 2001). Véritable révolution copernicienne qui laisse les hommes face à l’angoisse d’avoir à définir individuellement leurs propres repères : <> (D. Cupa, 2000). Mais aussi parce qu’il s’agit là d’un gain de liberté sans précédent : cette mutation de la paternité résulte d’un progrès de la pensée vers les notions de vie privée et de démocratie (F. Hurstel, 2001).
C’est dans ce même ordre d’idée que G. Neyrand (2005) parle de l’émergence d’un nouvel ordre social au sein duquel les principes même de la démocratie sont appliquées à la sphère privée : on parle de démocratisation des relations privées lorsque l’on évoque les valeurs d’égalité, d’autonomie et d’expressivité personnelle. Ainsi, le mariage est remis en cause et ne définit plus pour le couple un cadre pour la sexualité, la procréation et la parentalité. Ces dimensions ne sont plus liées de fa?on définitive comme autrefois : les revendications d’égalité et d’autonomie font de l’union conjugale un contrat révocable si l’union n’apporte pas satisfaction, et ce quel que soit l’?ge des enfants. On assiste alors à une multiplication des séparations conjugales conduisant vers une pluralité d’exercice de la parentalité, d’où une diversification des structures familiales. Les familles monoparentales et les familles recomposées ne peuvent plus être considérées comme des déviations des familles dites intactes compte tenu de leur fréquence. Par ailleurs, le statut même de l’enfant a fondamentalement changé : le développement des droits de l’enfant amène l’ère de l’enfant sujet, son bien-être devient au centre des préoccupations. Et, en même temps qu’il y a un déplacement du caractère indissoluble et inconditionnel du lien sur la relation à l’enfant, ce même enfant devient aussi un moyen d’accomplissement personnel pour le parent.
Face à de telles mutations sociales et familiales, on comprend alors que des transformations majeures ont lieu au niveau de la représentation sociale du père. Et l’on constate au fil du temps, que les grandes questions qui animent les réflexions et les recherches cliniques et empiriques sur le père s’avèrent être le reflet de la représentation sociale du père du moment.
Ainsi à l’époque du pater familias où le père est institué et possède un pouvoir politique, on théorise sur le père oedipien porteur d’une loi, l’interdit de l’inceste. Ensuite, à l’époque du père privatisé (F. Hurstel, 2001) défini dans son rapport à la femme et dans son lien à l’enfant, on souligne l’implication progressive du père dans le développement de son jeune enfant. On découvre alors que le père peut avoir un r?le bien avant l’OEdipe et ce sont les fonctions paternelles préoedipiennes qui sont théorisées. Dans une première étape, elles restent encore relativement médiatisées par la mère, puis avec les <> c’est la découverte d’un père capable d’interaction directe avec son enfant : on théorise alors sur un attachement spécifique au père et sur la capacité de celui-ci d’exercer des fonctions dites plus maternelles tout en gardant un style masculin, différencié de la mère. Enfin, que dire de notre décennie ? Elle est caractérisée par une présence importante des femmes au travail, ce qui suppose un partage important des t?ches : on parle de co-parentage, de parentalisation réciproque (J. Le Camus, 2001). La fragilité accrue de la conjugalité conduit à d’autres configurations familiales : les situations de parents seuls (familles monoparentales) et de parents multiples (familles recomposées) soulèvent d’autres types de questions concernant le père. En voici quelques-unes : qui fait fonction de père, de tiers dans les familles monoparentales ? Face à une multiplicité d’hommes, qui est le <> père ? Comment s’aménage le complexe d’OEdipe quand l’enfant est élevé par deux pères et deux mères ? (A. Fréjaville, 2002), etc.
Les parties qui suivent vont faire état de différentes théories du père, à la fois issues de la psychanalyse et de la psychologie du développement, sans prétendre à une recension exhaustive, là n’est pas l’objectif. Ce qui motive notre désir de regarder du c?té de ces deux champs, c’est la question de savoir comment définir le père tant dans sa dimension de fonction psychique que dans sa dimension d’objet réel ? Mais aussi comment éviter les dogmatismes qui pr?nent des positions extrêmes et exclusives : avec du c?té de la psychanalyse une dérive d’abstraction (la fonction paternelle devient un principe abstrait désincarné, se suffisant de la parole de la mère) et du c?té de la psychologie du développement une dérive de concrétude (le père devenant une somme de chiffres ou de comportements qu’il est difficile de réunir en un tout signifiant). Porter un regard croisé, ce serait chercher du c?té de la psychologie développementale pour mettre un peu de chair autour des concepts psychanalytiques, mieux les incarner, chercher à comprendre comment cette symbolique du tiers peut s’exprimer, se traduire au quotidien. Ce qui en final conduit aux questions suivantes : comment être un père au quotidien et représenter à la fois la nécessaire symbolique du tiers ? Qu’est-ce qu’un tiers au quotidien ? Comment être un tiers au quotidien ?
Les différentes figures du père à travers les théories psychanalytiques : du père sacralisé dans sa dimension symbolique au père médiatisé par la mère
Sigmund Freud et le père : la fonction psychique du père
C’est avec Freud, par le biais du complexe d’OEdipe, que la psychanalyse nous offre une première représentation du père. De sa première évocation dans une lettre à Fliess (1897) à son élaboration définitive en 1923, après une reformulation des bases de la théorie psychanalytique (seconde théorie des pulsions et deuxième topique, ), il se passe des années durant lesquelles Freud élabore progressivement ce qu’il définit comme le complexe d’OEdipe. Comment ce complexe d’OEdipe se développe et s’organise, et que peut-on en dégager concernant la figure du père ?
D’une fa?on générale, Freud appuie sa description sur le cas du gar?on considéré comme plus simple et possédant moins de zones grises que celui de la fille. Le complexe d’OEdipe renvoie à la phase phallique de la sexualité infantile, contexte expliquant l’intensité du conflit oedipien. Dans une première étape, il y a confluence de deux sentiments au départ indépendants : un attachement désirant pour la mère prise comme objet sexuel et un attachement pour le père pris comme modèle à imiter (S. Freud, ). Dans un second temps, lors de cette rencontre, le père appara?t comme un obstacle au mouvement désirant de l’enfant et cette identification primaire au père pris comme idéal se transforme en une attitude hostile contre le père, puis va plus tard évoluer en une identification secondaire au père en tant qu’homme de la mère. L’obstacle est en fait double puisque l’immaturité et l’impuissance de l’enfant entrent également en ligne de compte, par-delà l’existence du père comme personne. L’OEdipe négatif, concomitant à l’OEdipe positif que nous venons de décrire, renvoie à l’attachement tendre envers le parent du même sexe.
On voit donc que, contrairement aux idées re?ues qui insistent pour l’enfant gar?on sur l’attachement à la mère et la haine envers le père, celui-ci, le père, est le personnage principal de l’OEdipe masculin. En effet, l’OEdipe s’élabore au gré des fluctuations du rapport du gar?on à son père (J.-D. Nasio, 1994) : mélange de tendresse (pour l’idéal), d’hostilité (pour l’intrus) et d’envie (pour l’homme qui possède les attributs). Les enjeux s’intensifient et finissent par se dénouer autour d’un affect spécifique : l’angoisse de castration. Pour le gar?on, la crainte d’une rétorsion de la part du père l’amène à renoncer à sa mère comme objet sexuel.
Du c?té de la fille, par-delà l’envie du pénis qui se construit à partir de sa déception de n’avoir pas été pourvue de phallus, on retrouve aussi un affect d’angoisse (Freud rajoute plus tard ce complément à sa théorie de la castration) : <> (J.-D. Nasio, 1994). L’envie du pénis et l’angoisse de perdre l’amour détermineront chez la fille la résolution de l’OEdipe.
Freud s’est donc beaucoup attardé au détail du processus oedipien, faisant de l’OEdipe un moment développemental mais aussi un processus ayant une valeur organisatrice puisqu’il participe à la structuration du psychisme : l’OEdipe ne dispara?t pas, il se résout. Ce qui signifie que les conflits s’apaisent, en particulier par le biais des identifications oedipiennes et de la formation du Surmoi. Pour Freud, le père n’est donc pas seulement un personnage d’un scénario réel et fantasmatique mais exerce aussi une fonction psychique : il constitue l’élément essentiel organisateur du psychisme (R. Perron et M. Perron-Borelli, 1994). La présence structurante d’un complexe d’OEdipe devient l’indice que la personnalité de l’enfant a atteint un certain degré d’organisation (V. J. M?chtlinger, 1981).
On ne retrouve rien chez Freud qui renvoie au père comme personne ou comme objet réel, conformément à l’objet de la psychanalyse concernant la dimension des représentations et du fantasme. Le père se limite pour Freud à une figure oedipienne et avant cette phase phallique-oedipienne il n’y a pas de père pour l’enfant en tant qu’agent spécifique et différencié de la mère. Le registre préoedipien de l’enfant appartient à la mère, l’accent étant mis sur une phase fusionnelle puis une dualité mère/enfant, le père restant extérieur à ce duo. Les psychanalystes contemporains de Freud et ceux de la génération suivante ont peu remis en question cette fa?on là de voir le père, d’autant plus qu’elle s’articulait parfaitement à la représentation sociale et familiale du père de l’époque. On peut dire que cette vision d’un père patriarche et extérieur au duo mère/enfant de la petite enfance a été centrale pendant les deux tiers du xxe siècle.
Jacques Lacan et la mère : la contribution de la mère à la fonction du père
Lacan propose une réflexion <> sur la structure des fonctions du père et leur intervention dans le psychisme humain (J.-D. Nasio, 1994). Dans le souci de définir au plus près ce qu’il en est de la fonction oedipienne sans la réduire au conflit oedipien imaginaire, il met de c?té la représentation triangulaire (père/mère/enfant) au profit du concept de <> (R. Chemama, 1993). Il s’agit là d’une conception de la fonction du père dans le complexe d’OEdipe destinée à éviter certains écueils théoriques rencontrés par Freud et ses successeurs, comme par exemple celui de savoir comment le père devient porteur de la loi (C. Conté, 1993). Lacan en fait une loi symbolique portée par le discours via le Nom-du-Père, signifiant dont l’effet symbolique renvoie à la fonction paternelle.
Sans vouloir entrer dans les détails de cette fa?on de concevoir la fonction symbolique du père comme une structure de langage permettant la structuration du sujet, nous tenterons cependant de souligner certains éléments.
Pour comprendre, il faut revenir à ce qui se joue au plan fantasmatique pour l’enfant dans sa relation à la mère. La mère satisfait ses besoins mais pas toujours, elle est présente mais pas toujours… il y a une alternance de présence et d’absence, un écart par rapport au besoin, qui questionne l’enfant. Il se demande : <> mais aussi : <>, il repère qu’elle désire autre chose que ce qu’il représente. Comme l’écrit P. Julien (1992), la réponse vient de la mère : elle va signifier quelque chose du manque en elle et que <>. Et il ne s’agit pas non plus de désigner ce qui pourrait venir combler ce manque mais bien de transmettre une représentation d’elle-même comme manquante. C’est en transmettant l’idée que pour elle le manque existe et qu’il est reconnu comme tel, que la mère aménage une place tierce entre elle et son enfant. Le phallus, c’est la signification de son manque à elle, il renvoie à une place dans une structure symbolique, celle du Nom-du-Père (P. Julien, 1992). Ainsi le père comme Nom vient de la mère.
Le père réel, c’est celui qui vient occuper cette place, à la manière d’un fauteuil libre pour reprendre la métaphore de P. Julien (1992) : <>. Il peut l’occuper à sa manière, et non en exécutant des t?ches dictées par la mère. Mais c’est aussi l’existence d’une conjugalité entre ce père réel et la mère qui garantit le symbolique de la fonction paternelle. Le désir de la mère tourné vers le père a une fonction séparatrice entre la mère et l’enfant. La question : <> et <> amène l’enfant du c?té du père : <> On voit comment les deux questions énigmatiques de la psychanalyse sont reliées : <> et <>. Très t?t, l’enfant est pris par ces questions dont le m?rissement l’amène au symbolique de la fonction du père, vers une issue structurante de l’OEdipe.
A. Fréjaville (1990) résume bien la double origine de la fonction du père, du point de vue lacanien, en deux conditions pour qu’elle soit opérante pour l’enfant :
une condition nécessaire mais non suffisante consiste en ce que la mère investisse psychiquement la place du tiers pour son enfant, qu’il y ait un écart, une place tierce entre elle et l’enfant. En d’autres termes, qu’elle exerce sa fonction parentale de fa?on croisée en référence à un autre et non de fa?on duelle (J.-P. Durif-Varembont, 1992) ;
La fonction paternelle doit être incarnée : un homme (en général désigné par la mère : le père biologique, un autre conjoint ou un substitut paternel) accepte et désire jouer un r?le de père pour l’enfant, investissant l’enfant d’un amour à la fois narcissique et objectal (désir de paternité chez cet homme).
Quant au père imaginaire, c’est cette image forte et puissante que l’enfant se donne du père pour faire le poids face au désir de la mère (P. Julien, 1992). C’est une fa?on pour lui de se protéger narcissiquement face à l’insatisfaction de la mè il dote le père de ce phallus qui manque à la mère et ainsi se dégage de cette mission de la combler. Cependant, il va falloir à un moment faire le deuil de ce père idéal, et les manques du père réel permettront ce deuil.
Dans la théorie lacanienne, le phallus est le signifiant du manque, c’est donc ce vers quoi, s’oriente le désir de la mère dégageant ainsi l’enfant d’une captation narcissique, mais le laissant souffrant de réaliser qu’il n’est pas le phallus de sa mère. La reconnaissance et le dépassement de cette souffrance amène à la symbolisation de la castration définie comme la perte de l’objet parfaitement satisfaisant et adapté (J.-D. Nasio, 1994). Ainsi, dans sa fa?on de théoriser l’OEdipe, Lacan va plus loin que Freud sur la question de la castration : l’OEdipe n’est pas seulement un conflit imaginaire mais il permet la symbolisation de la castration, qui à son tour permet l’entrée dans le monde symbolique.
Pour en revenir au signifiant phallique, c’est le signifiant du Nom-du-Père qui vient s’y substituer dans la parole de la mère. Le Nom-du-Père c’est la fonction symbolique paternelle, le principe efficace de l’OEdipe (R. Chemama, 1993). Ainsi, si l’on reprend les différents personnages du complexe d’OEdipe, le père vient trianguler la relation mère/enfant et il le fait avec une portée symbolique dans la mesure où ce triangle vient représenter un autre triangle qui est le suivant : phallus/mère/enfant. La contribution de la mère au symbolique de la fonction paternelle a été soulignée plus haut.
Ainsi, on peut constater combien Lacan met l’accent sur la dimension symbolique du père, même s’il théorise également un père imaginaire et un père réel qui, soulignons-le, restent au service de ce père symbolique.
En résumé, l’apport de Lacan concernant la figure du père pourrait se résumer aux points suivants :
avec l’élaboration du concept de père symbolique, il a bien dégagé l’idée du père comme fonction psychique, qui dépasse la dimension de père comme personne ré
le fait que cette fonction psychique ait un effet structurant (vision structuraliste de la psychanalyse) fait de cette figure du père un organisateur psychique (J. Dor, 1998) et pas seulement un perso
la mise en évidence d’une contribution de la mère à la fonction symbolique du père.
Maintenant, que dire de la théorie du père d’après Lacan : L’accent mis sur la dimension symbolique de la fonction du père peut faire oublier que le père est aussi un objet pulsionnellement investi (B. Brusset, 1992), pas seulement une pure abstraction signifiante. Dit autrement, c’est toute l’expérience individuelle qui est mise de c?té par la conception structuraliste du père (P. Malrieu, 2001).
Cet accent mis sur le symbolique dérive par moments vers une sacralisation du père symbolique et de la parole de la mère : la place et le r?le du père deviennent subordonnés au mode d’introduction du père auprès de l’enfant par la mère (C. Castelain-Meunier, 2001). En considérant que la parole de la mère peut suffire, comme cela a pu être écrit à une certaine époque (A. Naouri, 1995), ne revient-on pas subtilement à une exclusion du père et à la croyance en une mère toute-puissante ?
Lacan con?oit la fonction du père comme immédiate, dont la structure est donnée d’emblée. N’y a-t-il pas lieu de penser, avec B. Golse (2006), qu’il pourrait y avoir une <> renvoyant à une vision de la structure comme s’établissant progressivement et par le biais des relations, vision s’opposant à celle d’une structure <>.
Enfin, la fonction du père doit-elle se résumer à l’interdiction à la mère de faire de son enfant un substitut phallique ? <> castre << la mère de son enfant ne signifie pas ipso facto qu’il n’assume que cette fonction, des fonctions de liaisons étant également possible dans le même temps >> (B. Golse, 2006).
Il faut cependant reconna?tre que les théorisations de Lacan ont permis, d’une part, d’organiser les différents discours sur le père et constituent, d’autre part, une étape vers une compréhension plus nuancée de la fonction du père. En effet, cette conceptualisation de la question du père à l’aide des différents registres de la topographie psychique Réel-Symbolique-Imaginaire (R-S-I) permet de mettre un peu d’ordre dans les différents discours sur le père. La majorité des réactions passionnelles qu’il y a pu avoir résultait souvent de malentendus issus d’une confusion entre ces différents registres.
Enfin, ces trois registres permettent de mettre en évidence combien la fonction symbolique du père n’est pas uniquement assumée par le père comme personne (le père réel et sa conjugalité assumée), mais aussi par la mère (le Nom-du-Père véhiculé par son discours et permettant l’instauration d’une place tierce) et par l’enfant (dans sa fa?on de faire le deuil d’un père idéal, père imaginaire).
Melanie Klein, les postkleiniens et l’enfant
— L’OEdipe précoce et le fantasme des parents combinés
Avec Melanie Klein (1928), on aborde le complexe d’OEdipe à des stades précoces du développement de l’enfant par rapport à ce que Freud en a dit. Et surtout, l’angle qui est pris pour aborder cette étape, ce processus puisqu’il s’inscrit dans le temps, est celui de l’enfant face aux parents comme couple. Avec une insistance sur ce que l’enfant vit intérieurement, consciemment et inconsciemment, face à ce couple : le fantasme des parents combinés.
Effectivement, le fantasme de parents combinés représente la version précoce du complexe d’OEdipe : fantasme mettant en scène la relation entre les parents dans un scénario de scène primitive, père et mère renvoyant aux objets internes de l’enfant (imago parentaux intériorisés) et non aux parents de la réalité. Rappelons combien Melanie Klein () fait fi des objets réels, ses constructions théoriques ne renvoyant qu’à la scène interne.
Mais c’est avec beaucoup de nuance qu’elle nous permet de comprendre un aspect fondamental de l’OEdipe : les sentiments d’envie et d’exclusion que l’enfant vit face au couple parental. La situation oedipienne renvoie pour M. Klein à l’expérience de la relation parentale intériorisée. Pour la première fois, il est question de la relation de l’enfant à la relation existant entre ses parents, avec une importance tout aussi grande que la relation que l’enfant élabore avec chacun de ses parents, père et mère. L’enfant réalise que ses parents ont entre eux une relation indépendante de lui. Il élabore des fantasmes concernant ce qu’ils font ensemble, avec comme toile de fond tout le bon qu’ils peuvent s’échanger entre eux, en dehors de lui (quels que soient les registres, prégénitaux et génitaux). Sur cette toile de fond, M. Klein met en évidence chez l’enfant des sentiments potentiellement douloureux d’envie et d’exclusion (L. J. Brown, 2002) mais aussi des sentiments de perte et de privation dont la maturation caractérise la position dépressive.
Ainsi, les perspectives kleiniennes lient de près les situations triangulaires précoces à des expériences de pertes chez le petit enfant. Dans les étapes d’OEdipe précoce, le vécu de perte est coloré d’une exclusion douloureuse d’un couple parental per?u comme nourrissant l’un pour l’autre (gratifications orales) et plus tard, avec la maturation des conflits phalliques (complexe d’OEdipe classique), per?u comme un couple sexuel et romantique. Le fantasme des parents combinés semble correspondre à une tentative chez l’enfant de mettre en forme toute l’angoisse vécue face au couple parental et à la relation qui unit ce couple tout en l’excluant. Une relation qu’il veut à la fois détruire et maintenir.
M. Klein introduit plusieurs idées nouvelles par rapport à Freud : d’une part la mise en évidence d’une fonction psychique de la conjugalité des parents, et non plus seulement d’une fonction psychique du père (S. Freud) ou d’une fonction de la mère comme contribution à celle du père (J. Lacan). Et d’autre part, idée qui va être développée par d’autres auteurs ensuite (dans le sillon de la psychologie développementale) : une remise en question de la coupure entre les temps archa?ques de la mère et les temps oedipiens du père (J. Le Camus, 2001), avec l’idée que le triangle père/mère/enfant est présent très précocement comme objet interne pour l’enfant dans son développement. Ce serait dans la deuxième partie de la première année que l’enfant entrerait dans un univers triangulé et que ces expériences de triangulation seraient intériorisées (L. J. Brown, 2002), de là le terme d’OEdipe précoce. Prémices des théories qui seront élaborées plus tard sur les triangulations précoces.
— L’utilisation psychique du père par l’enfant
Les auteurs postkleiniens comme D. Meltzer (I. Krymko-Bleton, 1990), en précisant l’utilisation que l’enfant fait de son père au plan psychique pour construire son appareil psychique, mettent en évidence combien l’enfant n’est pas seulement en position de subir une situation triangulée avec son cortège de sentiments de perte, de privation et d’exclusion. Il est en partie actif dans ce triangle par la possibilité qu’il a d’être acteur dans la construction de son fonctionnement mental.
En effet, dans le contexte de la relation à la mère, l’enfant projette sur le père les aspects angoissants de la relation mère/enfant, ce qui les protège tous deux d’un torrent d’identification projective réciproque. En prenant sur lui la haine et l’angoisse de l’enfant, le père est le protecteur de la relation mère/enfant : on retrouve ici la fonction de liaison et de réparation décrite par B. Golse (2006) et qui s’exercerait par le père dans le même temps qu’une fonction de différenciation.
Enfin, l’acceptation par l’enfant de la réalité du père et du couple oedipien au moment du déploiement de la position dépressive lui permet la création d’un espace mental (en s’étayant sur un troisième espace) dans lequel la pensée et la symbolisation peuvent se développer. Le couple intériorisé peut avoir une valence positive ou négative : aimant et créatif ou bien hostile ou rejetant (R. Britton, 1989), ce qui ne donnera pas les mêmes capacités réfléchissantes au sein de l’appareil psychique.
Dans le même ordre d’idée, L. J. Brown (2002) souligne ce que l’on peut considérer comme les prémices d’une vision systémique de l’espace tiers : lorsque la relation dyadique à la mère est bonne, elle produit un lorsqu’elle est mauvaise, elle produit un tiers perturbateur voire persécuteur. Le fait que le tiers construit soit bon ou mauvais ne dépend donc pas seulement du père, objet réel ou objet interne : la qualité de la relation mère/enfant joue un r?le significatif. On ne peut manquer de relever, chez les postkleiniens, la place centrale de la relation mère/enfant dans la construction du tiers, ce qui pourrait se rapprocher de l’idée développée par Lacan d’une contribution maternelle essentielle à l’instauration de cet espace tiers.
C’est sur cette dernière idée que l’on peut se permettre de brièvement citer D. W. Winnicott (1957) puisqu’il va dans le sens de cette conception du tiers émergeant du lien à la mère tout en introduisant l’idée d’un père présent dans la pensée de la mère : <>. Cependant, même si D. W. Winnicott est l’un des premiers à parler de la spécificité du père dans ses fonctions auprès de l’enfant, il le maintient dans une position satellite par rapport à celle de la mère : dans la relation père/enfant, la médiatisation par la mère reste centrale.
Les psychanalystes contemporains et les triangulations précoces : le père dans la pensée de la mère
Les théories kleiniennes et postkleiniennes nous ont permis de tourner notre regard du c?té du point de vue de l’enfant concernant la question du père. Et l’on voit comment la relation mère/enfant reste toujours présente en filigrane : elle sert de contexte à la relation père/enfant.
Sur ce chemin vers le point de vue de l’enfant, nous trouvons important d’évoquer les différents auteurs qui ont parlé de triangulations précoces parce que, comme l’écrit B. Golse (2001), avant d’avoir accès à son père comme objet global, le bébé <>. Les théories sur les triangulations précoces renvoient à ces <> (B. Golse, 2001) en rappelant que la rencontre père/enfant se prépare d’abord dans la tête de la mère.
Ainsi, avec la <>, D. Braunschweig et M. Fain (1975) soulignent le mouvement de la mère qui réinvestit libidinalement le père après l’avènement du bébé : ce faisant, elle situe un ailleurs pour l’enfant, qui jouera un r?le essentiel pour l’OEdipe de celui-ci. Du c?té de la mère, le père comme amant protège l’enfant d’une captation exclusive et instaure un processus de distanciation. Du c?té de l’enfant, c’est le moment crucial dont parle R. Diatkine (1994) : <> (B. Golse, 2006).
On retrouve cette idée chez A. Green (1990), mais de fa?on plus générale, avec le concept de <> (dans sa théorie de la triangulation généralisée à tiers substituable) : il y a dans l’objet autre chose que lui-même comme sujet. De ce fait, être en lien avec l’objet c’est aussi être en lien avec d’autres objets liés à cet objet, qui se retrouvent donc en position de tiers.
Enfin, R. Perron et M. Perron-Borelli (1994) évoquent la réinterprétation de l’angoisse de l’étranger par C. Leguen comme un autre exemple de triangulation précoce. L’étranger est ce non mère qui cause l’absence et la perte de la mère : <>.
Soulignons à propos de ces triangulations précoces que le tiers n’est pas constamment dans un r?le de séparateur : il a une oscillation entre des aspects de tiers séparateur et de tiers réparateur. Classiquement décrit dans ses fonctions de différentiateur face à la dyade mère/enfant, le père a également et de fa?on concomitante des fonctions de protection, de liaison et de réparation face à cette même dyade (B. Golse, 2006). La triangulation, présente très précocement, est conceptualisée par cet auteur comme la co-construction de la dyade mère/enfant d’ <>. Un espace tiers ouvrant la porte à toute sorte de tiers, dont le père qui aura la t?che de se signifier comme tiers spécifique.
Si le registre des triangulations précoces nous situe en de?à de l’OEdipe avec la question de ses origines et de ses fondements, il faut cependant faire un pas de c?té par rapport à une conception séquentielle dans le temps faisant succéder aux relations dyadiques, les relations triangulées. En effet, chacune de ces théories amène l’idée que, dans le même temps où la relation à deux se construit, le tiers est déjà présent. Alors, face à cette question dont la formulation appara?t maintenant démodée : <> (R. Perron et M. Perron-Borelli, 1994), il faut probablement sortir d’une logique linéaire, à la fois dans le temps mais aussi par rapport aux personnages impliqués (père, mère et bébé).
Pour finir ce chapitre qui propose qu’il faut d’abord se pencher sur la psyché maternelle pour y découvrir les précurseurs du père (idée qu’il faudra confronter à celle des recherches empiriques pr?nant l’existence de précurseurs interactionnels chez le bébé, même ?gé de 1 mois), nous souhaiterions ouvrir sur deux points :
— <> (B. Golse, 2001). Il faut alors, dans un deuxième temps, se demander de quelle fa?on s’aménagent représentations du père et place pour le père chez la mère (par-delà la question de la présence/absence de précurseurs chez la mère, il y a la question de la nature et de la qualité de ces précurseurs).
— Par ailleurs, n’y a-t-il pas aussi du c?té de l’enfant des précurseurs permettant au père de venir progressivement s’inscrire dans l’univers de son enfant ? Compte tenu de l’immaturité du psychisme du bébé, ces précurseurs ne sont pas du c?té des représentations qui viendront plus tard dans le développement, mais du c?té du comportement et plus précisément du c?té de l’interaction. Ainsi, et nous le verrons plus en détail dans la dernière partie de cet article (recherches empiriques sur les triangulations interactionnelles), les capacités précoces du bébé (dès les premiers mois de vie) à établir des interactions triadiques sont à comprendre comme des précurseurs du tiers puis plus spécifiquement du père.
Chacun ayant alors une partition à jouer pour s’acheminer vers le scénario de l’OEdipe.
La psychanalyse développementale et l’élaboration des fonctions préoedipiennes du père
— Le débat concernant l’observation directe et la psychanalyse
Nous voulons aborder ici tout un ensemble de théories qui se sont essentiellement développées dans le monde anglo-saxon (?tats-Unis et Angleterre) et qui apportent une contribution significative en ce qui concerne les fonctions du père, en particulier à la période préoedipienne. Il s’agit de la psychanalyse développementale qui se définit comme un courant psychanalytique (et non psychologique) qui, avec les données issues de consultations cliniques avec les enfants et le matériel issu de cures d’adultes permettant une reconstruction de l’enfant (bébé reconstruit), a intégré des données provenant de l’observation directe d’enfants préverbaux (bébé réel).
Nous n’entrerons pas en détail dans le débat qui a fait rage et qui a connu des épisodes successifs concernant la valeur et la rigueur des données issues de l’observation versus la valeur et la rigueur des données issues de la clinique psychanalytique adulte. Il reprend celui qui a eu lieu en son temps sur la psychanalyse d’enfants et qui questionnait si les productions non verbales de l’enfant telles que les jeux et les dessins pouvaient être considérées comme du matériel interprétable (B. Cramer, 1979).
Quelques points d’argumentation apportés par A. Green (P. Chaussecourte, 2006) dans ce débat méritent tout de même d’être rapportés afin d’enrichir notre réflexion sur le dialogue que nous cherchons à installer entre ces différents champs théoriques. Ces points peuvent nous servir de balises dans l’idée d’un cadre à installer pour se permettre des <>, des <> (J. Le Camus, 2001). Ainsi peut-être faut-il effectivement garder en mémoire que l’observateur avec son univers psychique (conscient et inconscient) a un impact sur l’observation elle-même. C’est ce que l’observation psychanalytique avec la méthode d’Esther Bick (1964) tente d’encadrer tout en l’utilisant, à la différence de l’observation expérimentale se situant plus dans une démarche de recherche de preuves. Cette logique de recherche de preuves constitue une forme d’impasse car effectivement, comment faire la différence entre les observations et les spéculations sur les processus internes (V. J. M?chtilinger, 1981), entre l’observation et la construction fantasmatique du chercheur face aux interactions mère/bébé par exemple (A. Green, 1992) ? Enfin, Green nous met en garde contre le pouvoir de séduction du modèle de l’enfant comme voie d’information (en opposition avec le modèle du rêve, de la psychanalyse) véhiculant l’illusion de remonter le temps en de?à de la remémoration et de saisir l’inconscient à l’état brut, <> (P. Chaussecourte, 2006).
Toujours est-il que, quels que soient le saut épistémologique que cela suppose et l’hétérogénéité des données à laquelle il faut faire face, nous pensons comme Y. Gauthier (1991) que, non seulement on ne peut pas ignorer les travaux de nature interactionnelle et expérimentale mais qu’en plus, ils ne s’opposent pas aux hypothèses psychanalytiques basées sur la reconstruction : <>
Enfin, R. Prat (P. Chaussecourte, 2006) nous rappelle comment Freud lui-même cherchait une validation directe par l’observation de ses hypothèses sur la sexualité infantile (il demandait à ses disciples d’observer les enfants de leur entourage) : <> Pour R. Prat, <>. Ce qui rejoint la question de B. Cramer (1979) : <>
? l’image du débat bébé réel/bébé reconstruit, nous avons l’équivalent du c?té du père : père réel/père reconstruit (B. Golse, 2006). C’est-à-dire un père observé dans ses interactions avec son enfant et un père reconstruit à partir du matériel de cure analytique d’adulte (reconstruction du père à partir des représentations que l’enfant que nous avons été s’est forgé).
— Les fonctions préoedipiennes du père dans la conception d’un père médiatisé par la mère
Les psychanalystes qui travaillent avec les enfants, du fait qu’ils aient accès dans leur pratique à la fois au père réel et au père fantasmatique, sont moins enclins à soutenir cette vision unifocale d’un père punitif, effrayant et castrateur correspondant aux aspects fantasmatiques du père oedipien (V. J. M?chtilinger, 1981). C’est d’ailleurs par des psychanalystes d’enfants que la voie de l’enrichissement mutuel de la psychanalyse et de l’observation directe de jeunes enfants a été initiée : A. Freud, R. Spitz et J. Bowlby (Y. Gauthier, 1991).
Ainsi, des analystes comme M. Mahler et E. Abelin (S. J. Liebman et S. C. Abell, 2000) attirent l’attention sur l’importance de la relation précoce père/enfant. Le père est alors conceptualisé comme un facilitateur du processus de séparation-individuation qui se déroule au sein de la relation mère/enfant. La position d’extériorité du père (par rapport à la dyade mère/enfant) permettrait à l’enfant de vivre la relation à son père comme non-ambivalente mais aussi soutenante car s’offrant comme une alternative face au monde symbiotique de la mère, présentant plus de risque d’engloutissement et de régression. Le père constituerait la preuve vivante qu’il est possible d’avoir une relation d’intimité avec la mère tout en préservant sa propre autonomie. Représentant du monde extérieur (M. Mahler, 1955), représentant non mère (E. L. Abelin, 1975), chevalier à l’armure miroitante (<>, M. Mahler, 1971), c’est un père protecteur et facilitateur qui nous est décrit là, loin du père freudien interdicteur et castrateur. Un père qui est décrit comme prenant également soin de l’enfant en répondant aux besoins pulsionnels de la mère et en réduisant l’anxiété maternelle (S. J. Liebman et S. C. Abell, 2000). On retrouve ici le père théorisé par D. W. Winnicott (1974), servant de contenant à la dyade mère/enfant en se proposant comme contenant, support et objet de gratification pour la mère. On retrouve aussi ce que B. Golse (2006) décrit de la fonction paternelle de liaison et de protection du lien mère/enfant.
Mais, il y a plus que servir la construction et la bonne évolution du lien mère/enfant dans le mandat préoedipien du père. La psychanalyse développementale souligne pour la première fois les apports spécifiques du père : c’est là sa contribution.
D’une part, d’autres auteurs de ce même courant ont décrit de fa?on plus intrapsychique cette fonction soutenante du père pour l’enfant et ont ainsi mis en évidence son r?le fondamental dans la construction et l’organisation du Moi de l’enfant. Ainsi pour H. Loewald (1951), le père joue un r?le important dans le développement du Moi en représentant le principe de réalité : il soutient un travail d’organisation, de différenciation et d’intégration pour que l’enfant puisse se libérer de la mère. S. I. Greenspan (1982) décrit le père comme celui qui facilite la formation précoce de la personnalité : stabilisation du Moi (par l’épreuve de réalité), stabilisation de l’humeur, différenciation soi/objet, régulation de l’impulsivité et développement de la concentration.
D’autre part, le père est également décrit comme celui qui contribue à l’établissement de l’identité de genre de l’enfant et au contr?le des pulsions dans le sens d’une autorégulation émotionnelle. Du c?té du père : approuver et renforcer les démonstrations de comportement masculin de son gar?on, avoir fierté et plaisir à les constater (P. Blos, 1984) permet à l’enfant de se construire comme gar?on, en même temps que du c?té de l’enfant il y a un travail d’identification au désir du père pour la mère (E. L. Abelin, 1975 : <>, intériorisation d’une situation triangulaire).
J. M. Herzog () fait parti des auteurs qui se sont employés à faire la démonstration du r?le du père dans la modulation de l’agressivité au sens d’une capacité du Moi à gérer et contr?ler les pulsions et affects agressifs. Le père est même décrit par d’autres auteurs comme une zone tampon (buffer zone, emotionnal buffer) où l’agressivité primaire pourrait être réexpérimentée plus librement, dans la mesure où le père offre à l’enfant un espace neutre dans lequel la rage explosive peut-être montrée avec moins de crainte de représailles que dans le cadre de la relation à la mère, par nature plus symbiotique (S. J. Liebman et S. C. Abell, 2000). Enfin, le lien conjugal des parents fonctionnerait comme un <> (J. M. Herzog, 1982) à l’égard de l’enfant, ainsi protégé des affects du monde adulte normalement destinés au partenaire.
Au terme de ce chapitre, nous comprenons deux choses qui semblent contradictoires mais qui probablement constituent un paradoxe, à entendre comme paradoxe créatif. D’une part, aussi progressiste soit-il, le courant de pensée psychanalytique con?oit un père qui reste très médiatisé par la mère dans son rapport à l’enfant. Et d’autre part, nous comprenons que c’est cette position d’extériorité du père qui confère à celui-ci des fonctions importantes pour l’enfant du point de vue de son développement et différentes de celles qu’offre la mère. Cette périphérie ne doit donc pas se calculer en termes de perte mais comme permettant une différence et une complémentarité qui ne seraient pas possibles autrement : c’est bien parce que le père est extérieur qu’il peut offrir à l’enfant un champ relationnel différent par nature que celui de la mère, et dans lequel il peut y exercer des fonctions complémentaires à celles de la mère mais aussi des fonctions paternelles spécifiques (on retrouve ces idées dans les découvertes de la psychologie du développement).
— Du risque a-pulsionnel au risque sur-pulsionnel, ou comment concilier les deux visions ?
Avant de passer à la psychologie expérimentale, à la suite de tout ce que nous venons d’exposer concernant la psychanalyse développementale essentiellement anglo-saxonne, nous aimerions faire une place à la psychanalyse américaine (?tats-Unis), non pas dans l’idée d’en faire un exposé de ses différents courants, mais afin d’en souligner ce qu’elle a de différent et de spécifique sur la question de l’OEdipe et des triangulations, par rapport à la psychanalyse européenne fran?aise.
En premier lieu, L. J. Brown (2002) évoque combien la psychanalyse américaine peut être extrêmement conservatrice dans sa fa?on de concevoir le complexe d’OEdipe, c’est-à-dire très attachée à la vision de Freud. En particulier en ce qui concerne la conceptualisation séquentielle du développement des relations triadiques survenant dans le temps et de fa?on bien démarquée, à la suite des relations dyadiques. Ce qui a des conséquences sur la fa?on de concevoir la psychopathologie et sur la fa?on de la traiter. Ainsi, les pathologies les plus lourdes seraient du ressort du monde des relations dyadiques et les considérations triangulées n’auraient pas lieu d’être évoquées, tant dans la compréhension de ces pathologies que dans le traitement de celles-ci. Ce qui est discutable (L. J. Brown, 2002 ; J. Cournut, 1997). L’accent privilégié sur la relation primaire à la mère est alors justifié par le fait que la situation oedipienne et son cortège d’enjeux ne surviennent que tardivement dans le développement de l’enfant et ne seraient donc que des avatars de la relation première à la mère. J. Cournut (1997) met en garde contre cette dérive, qu’il évoque comme classique chez les anglo-saxons : dans cette mise à l’écart des conflits oedipiens [et il rappelle qu’il peut y avoir entre l’analyste et l’analysant une complicité pour <>, <>], <>. Il dénonce également la fascination qu’il y a chez tous les thérapeutes par ce qui est du ressort du primaire et de l’originaire.
Par ailleurs, nous remarquons que s’il y a chez les anglo-saxons une tendance générale à mettre l’accent sur la relation dyadique et à penser la clinique préférentiellement en termes de déficit et d’enjeux narcissiques, il y a semble-t-il chez les psychanalystes fran?ais une grille de lecture systématiquement oedipienne et conflictuelle : J. Cournut (1997) parle d’ <>. On aurait envie de croire à un impact de la culture sociale et familiale sur la pensée : les européens se montrant très axés sur les structures familiales et hiérarchiques avec leurs série de règles et de conventions (l’accent sur les interdits appartenant à une logique oedipienne) et les américains relevant d’une société pr?nant plus librement l’autonomie et la réalisation de l’individu (l’accent sur le soi appartenant à une logique plus narcissique). Hypothèse.
Nous ne pensons pas qu’il faille opposer les deux tendances mais, bien saisir qu’il peut s’agir de visions différentes dont la complémentarité pourrait être envisagé l’écueil résidant alors probablement dans l’éviction d’une vision au profit de l’autre.
Nous pouvons alors terminer sur ces idées que nous allons retrouver plus loin : la triangulation c’est aussi la construction et l’inclusion à c?té de l’exclusion (T. Vaughn Heineman, 2004), et un père a aussi des fonctions de réparation et de liaison à c?té de ses fonctions de séparation. B. Golse (2006), comme nous l’avons vu précédemment, l’exprime bien : << Que le père ait des fonctions de séparation et d’interdiction ne l’empêche pas d’avoir, dans le même temps (nous qui soulignons), des fonctions de liaison. >>
Retenons que, de Freud aux théories psychanalytiques contemporaines, la psychanalyse a proposé au fil du temps des théories en évolution concernant le père et ses fonctions, et ceci en lien avec l’évolution des configurations et des pratiques familiales et en lien avec l’évolution de la représentation sociale du père. Ainsi le père n’a plus seulement une fonction de séparation et de différenciation face à la dyade mère/enfant mais il a aussi des fonctions de liaison et de réparation. Par ailleurs, ces fonctions ne sont plus conceptualisées comme séquentielles dans le temps mais sont vues comme agissant simultanément.
Cependant, on peut dire que la psychanalyse, même la plus contemporaine, nous propose une représentation du père qui garde une position d’extériorité par rapport à la dyade mère/enfant. Ce qui nous para?t cohérent avec l’importance accordée à cette relation primaire et première qui est celle de l’enfant avec sa mère, et avec l’idée que le tiers se construit d’abord psychiquement et relationnellement au sein de cette dyade. Ceci étant dit, il nous para?t nécessaire de souligner que cette fa?on d’attribuer au père une position d’extériorité n’empêche pas de reconna?tre la part du père dans le développement psychique et relationnel de l’enfant et surtout que c’est cette position d’extériorité qui semble permettre au père d’avoir, pour son enfant, des fonctions différentes et complémentaires à celles de la mère.
Nous allons voir toutefois que, pour la psychologie du développement, la spécificité des fonctions du père ainsi que la dimension de complémentarité par rapport aux fonctions de la mère ne sont pas du tout expliquées de la même fa?on. Puisant son matériel de réflexion, non pas dans la clinique mais dans l’expérimentation scientifique, elle nous amène du c?té d’un père moins périphérique, moins défini en fonction de la dyade mère/enfant : un père qui est décrit dans sa relation directe à l’enfant et dans sa présence directe à l’enfant.
Le père du quotidien de la psychologie du développement : le père et sa réalité
Naissance et évolution du champ de recherche sur le père
— Question de différence de cadre entre la psychanalyse et la psychologie du développement
La vision globale et historique de J. Le Camus (1997) sur l’ensemble des recherches expérimentales qui ont été faites sur le père, des années 1950 jusqu’à ce jour, nous permet de comprendre, tel que nous l’avons souligné au début de cet article, combien celles-ci sont tributaires de la représentation sociale du père à un moment donné de l’histoire, notamment dans la fa?on même de concevoir la méthodologie. L’évolution dans le temps des représentations du père amenant des transformations au niveau des pratiques des chercheurs.
Cette fa?on de retracer l’évolution des paradigmes et des méthodes de recherche nous est apparue comme très précieuse dans ce qu’elle permet de comprendre et d’organiser la multiplicité des discours et des théories qui existent à propos du père. Ce qui, dans un deuxième temps, permet d’envisager que par-delà la différence des univers conceptuels, par-delà les différences épistémologiques, il y aurait des <> (J. Le Camus, 2001) possibles à établir, une fois tracées <>. Il s’agirait en somme de dépasser le clivage entre le champ psychanalytique et le champ de la psychologie du développement.
Et dans ce paradoxe qui consiste à faire dialoguer deux disciplines, psychanalyse et psychologie du développement, en commen?ant par tracer leurs différences radicales, nous pourrions souligner les différences qui existent dans leur fa?on de se poser des questions à propos du père.
En effet, alors que la psychanalyse se pencherait sur : <>, J. Le Camus (2001) définit la position de la psychologie du développement comme s’interrogeant sur le père de la fa?on suivante : <> Il ne s’agit pas de s’intéresser à la paternité comme principe universel ou transculturel, ou dans son aspect symbolique, mais de se pencher sur <>.
Un autre point important est souligné par cet auteur : ces études expérimentales se situent en dehors d’un contexte clinique qui par définition suppose de comprendre, prévenir ou réparer. Là il s’agit d’observer des pères et des relations père/enfant dans un contexte normatif et de rechercher les effets positifs de la présence du père plut?t que de chercher à comprendre les effets négatifs de son absence et d’en déduire ses fonctions. On est au coeur du débat père-réel / père-reconstruit.
Enfin, C. Zaouche-Gaudron (2001) propose une fa?on de dépasser le débat r?le/fonction qui oppose psychanalyse et psychologie du développement, en considérant plus leur finalité que leur définition. Ainsi, le r?le serait modifiable et du c?té du conjoncturel car socialement défini et soumis aux changements sociaux et culturels. Il renverrait à ce que font père et mère au quotidien, et ce qu’ils se représentent qu’ils font : le r?le est donc du c?té de l’adulte. <>.
— Le fil rouge de l’histoire comme principe organisateur : du père à effet différé au père différencié, questions et dispositifs de recherche
La première période (des années 1950 au début des années 1970) renvoie à ce que J. Le Camus (1997) appelle <> : le père est envisagé comme intervenant tardivement et ceci dans une fonction d’autorité, dans un deuxième temps par rapport à la mère présente d’emblée (dans une fonction de sollicitude). Cette dichotomie des fonctions renvoie à une dichotomie des phases dans le développement de l’enfant : l’?ge de la mère puis l’?ge du père (J. Le Camus, 1997).
Dans cette perspective, les fonctions du père concernent la structuration de la personnalité de l’enfant et de l’adolescent, domaine des capacités à émergence tardive. Ces fonctions sont considérées comme aussi importantes que celles de la mère et non interchangeables. Les études sur le père mettent l’accent sur les effets de la carence et de la déficience d’autorité : la métaphore alimentaire appliquée à l’absence des soins maternels (carence affective, Spitz et Bowlby) est alors déplacée vers l’absence d’apport paternel. <> (J. Le Camus, 1997). Par ailleurs, l’action du père est envisagée comme une action de type indirect puisqu’elle passe par la médiation de la mère : non seulement l’enfant est décrit dans une symbiose affective avec la mère <>, mais le r?le du père serait de soutenir la mère.
Les périodes qui vont suivre vont se démarquer de ces points de vue maintenant dépassés : les effets directs du père sur l’enfant sont clairement envisagés et ceci sur l’ensemble de son développement (pas seulement sur sa structuration psycho-affective).
La deuxième période (deuxième partie des années 1970 jusqu’aux années 1985) est marquée par de grands changements sociaux et familiaux amenant une implication accrue des pères : le père impliqué. Il s’occupe de son bébé, partage les soins de base, reconna?t sa fibre <> sans craindre pour sa virilité. C’est un père physiquement et affectivement présent mais aussi largement semblable à la mère. Sa spécificité est pressentie mais <> (J. Le Camus, 1997).
Dans un premier temps, les recherches ont pour stratégies de comparer les effets de la présence/absence du père sur le développement cognitif et socio-émotionnel de l’enfant dans la mesure où les préoccupations sont centrées sur le constat des manques liés à l’absence de père (paradigme 1 : schéma expérimental = opposition foyers biparentaux / foyers monoparentaux).
Puis, par la suite, il y a une remise en question de ces démarches de recherche de preuve par défaut pour aller vers des recherches tentant de mettre en évidence ce qu’apporte le père lorsqu’il est présent : <> (J. Le Camus, 1997). Le paradigme 2 renvoie à des études comparatives sur les relations parents/enfants : on compare les effets de la présence de la mère et de la présence du père. Le père impliqué est considéré comme une figure d’attachement fiable mais secondaire (hypothèse de la hiérarchie des figures d’attachement, M. Ainsworth, 1982). On remarque qu’il est un partenaire de jeu bien différent de la mère pour l’enfant, mais sa place et son r?le sont encore mal définis.
Enfin, la troisième période () est celle du père différencié, au sens ou il n’est pas une mère-bis, il est autre que la mère, mais aussi au sens où il n’est pas réductible à un type uniforme : <>, double progrès conceptuel (J. Le Camus, 1997). On passe alors au paradigme 3 : on compare les pères entre eux, en fonction de leurs modalités de présence. Et les contributions des pères sont elles aussi plus différenciées (au sens de moins amalgamées), renvoyant aux multiples facettes du développement de l’enfant : langage et intelligence, socialisation, identité sexuée.
De l’importance de la relation père/enfant à l’importance de la parentalité de qualité : les recherches de M. E. Lamb, en Angleterre
Michael E. Lamb est très certainement l’un des chercheurs les plus actifs en ce qui concerne l’étude de la relation père/enfant, tant au plan des recherches empiriques qu’il mène qu’au plan des efforts réguliers qu’il fait pour rassembler l’ensemble des recherches faites dans le monde sur le r?le du père dans le développement de l’enfant. En témoignent les quatre éditions de The Role of the Father in Child Developement entre 1976 et , , 2004) qui font le point sur le sujet.
Dès le début des années 1970, M. E. Lamb fait le constat de la pauvreté des études sur la relation père/enfant et déclare le père : agent <> du développement de l’enfant (<>, 1975). La relation mère/enfant constituait jusque-là l’environnement de référence pour étudier et définir les conditions optimales de développement de l’enfant. Dans ce contexte social où est en train de se prendre le virage vers le <> (J. Le Camus, 1997), la relation père/enfant appara?t comme importante en soi : les recherches s’emploient alors à en faire la démonstration, tout en cherchant à préciser ses caractéristiques et ses spécificités pour mieux cerner l’influence du père sur le développement de son enfant.
Pour ce faire, on extrait la relation père/enfant de son contexte pour l’étudier à la loupe et définir des caractéristiques destinées à en montrer l’ on procède en recherchant ses similitudes et ses différences d’avec la relation mère/enfant. C’est un point de départ, dont on ne mesure que récemment les limites et les biais que cela a introduit dans les résultats.
Ceci dit, ces études ont bien démontré (M. E. Lamb 1997) que les bébés s’atta

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